Covid-19 et confinement : quel impact psychologique et comment se préserver ?

Tout d’abord, dans la mesure où nous traversons une situation hautement anxiogène, il est normal d’avoir peur. La peur est une émotion qui signale en nous la présence d’un danger et qui permet d’activer des mécanismes corporels permettant de nous protéger. En cela, les notions d’ « épidémie », de « confinement », de « guerre » évoquées actuellement réveillent des peurs instinctives chez l’être humain, qui sont directement liées à linstinct de survie. 

Bien évidemment, tout le monde ne réagit pas de la même manière à un même événement : nous réagissons avec ce que nous sommes, en fonction de notre histoire, du contexte dans lequel on se trouve au moment de la survenue de la crise, des ressources internes et externes qui ne sont pas toujours disponibles, en fonction de notre état de santé… en fonction, finalement, d’une myriade de facteurs externes et internes qui font de nous des êtres uniques et complexes. Il est donc parfaitement normal que certaines personnes puissent traverser cette crise sans trop d’encombre, tandis que d’autres se sentiront angoissées ou déprimées. Quelle que soit votre réaction, rassurez-vous : il n’y a pas de honte à avoir peur, il n’y a pas de mal à se sentir bien. Vous avez le droit d’éprouver vos émotions et vos ressentis. C’est toujours vrai, quelle que soit la situation.

Ce climat de peur et d’incertitude peut réactiver des angoisses latentes, c’est-à-dire des peurs qui existaient déjà mais qui étaient jusque-là dormantes, dont vous n’aviez pas conscience ou que vous n’aviez pas éprouvé depuis longtemps. Ainsi, il n’est pas étonnant :

  • d’éprouver un sentiment de peur diffus, c’est-à-dire de se sentir angoissé·e sans comprendre pourquoi,
  • de ressentir avec plus d’intensité des peurs qui ne sont pas directement liées au contexte,
  • ou encore de voir une recrudescence de souvenirs douloureux remonter à la surface.

Chez des personnes qui ont un tempérament anxieux, qui ont tendance à souvent s’inquiéter, cette période peut être particulièrement éprouvante. La marmite déjà pleine déborde, et cela peut donner lieu à des bouffées de stress, d’angoisse, de colère…

Confinement et télétravail 

En outre, le confinement bouscule notre quotidien et nos habitudes. La plupart d’entre nous avons des journées rythmées par notre travail, par nos loisirs, avec des horaires plus ou moins réguliers. L’arrêt de la majorité des activités professionnelles et culturelles imposé par le confinement fait voler en éclat nos habitudes. Cela peut avoir un impact tant sur notre humeur que sur notre horloge biologique, et donc notre bien-être. Si cela peut être un avantage pour certaines personnes, leur permettant d’avoir plus de temps pour des activités agréables auxquelles elles n’ont pas le temps de se consacrer (lecture, dessin, jardinage, écriture, peinture, binge-watching…), cette absence de cadre peut être extrêmement déstabilisante chez certains d’entre nous. Un sentiment de vide, de désoeuvrement peut apparaître, notamment chez les personnes dont l’activité est suspendue. Le quotidien, dépourvu de son cadre, nous laisse seul face à nous-même et peut nous inquiéter ou tout du moins nous questionner (« qui suis-je sans mon activité professionnelle, sans mes loisirs ? » « Qu’est-ce que j’ai vraiment envie de faire ? »). Face à cette absence de repères, une perte d’envie et de motivation peut apparaître, et aller jusqu’à la déprime. 

Par ailleurs, si je suis convaincue des bienfaits du télétravail tant pour les salarié·e·s que pour les entreprises,  son déploiement soudain et massif et l’absence de cadre peut être particulièrement déroutant. 

Durant cette période, certaines personnes, particulièrement celles qui sont confinées seules chez elles mais pas seulement, peuvent éprouver un fort sentiment de solitude. Certaines d’entre elles tenteront de se rapprocher des autres via les réseaux sociaux, qui peuvent être le vecteur des angoisses des uns et des autres. Les personnes qui sont confinées à plusieurs, particulièrement en famille, peuvent voir des tensions émerger, chacun étant susceptible de ressentir tout ce qui a déjà été décrit, et donc d’être plus irritable qu’à l’accoutumée. 

Phénomènes de groupe 

En plus des peurs individuelles réactivées par cette situation de crise, les médias et les réseaux sociaux viennent cristalliser un sentiment d’angoisse envahissant, provoquant des phénomènes de panique collective. Comme je l’ai évoqué, cette situation de crise vient réactiver des angoisses instinctives : c’est pour cela que certains ont ressenti le besoin de faire des provisions de nourriture alors même qu’aucun risque de pénurie n’a été identifié. Ces mouvements – et leur visibilité dans les médias et les réseaux sociaux – renforcent le sentiment de peur et propagent ces inquiétudes au sein de la population. C’est pourquoi les phénomènes d’accumulation compulsive de denrées (hoarding) sont renforcés : « puisque les autres font des provisions, il faut que je me dépêche d’en faire aussi avant qu’il n’y ait plus rien ». L’absence de certains produits, non pas du fait d’une réelle pénurie mais due à un achat de denrées en quantité supérieure à ce dont nous aurions réellement besoin renforce également ce mouvement : « les rayons de pâtes et de papier toilette sont vides, il faut que j’en achète en grande quantité quand il y en aura à nouveau ». 

Par ailleurs, en tant qu’êtres humains, nous avons toutes et tous besoin de comprendre, de mettre du sens sur ce que l’on vit. Il est normal de s’interroger, et de s’inquiéter des questions restées sans réponses. Cette crise que nous traversons confronte notre société toute entière à une situation inédite, et il nous reste encore beaucoup à apprendre tant du virus en lui-même que de la façon optimale d’y faire face. Dans ce contexte, des informations contradictoires sont susceptibles de circuler. Certaines personnes, qualifiées ou non pour se prononcer sur ce qui se passe, peuvent exprimer leur interprétation au plus grand nombre via les réseaux sociaux. Ces opinions, souvent mal informées (ou volontairement déformées) peuvent se propager, s’amplifier jusqu’à devenir des rumeurs, qui renforcent le sentiment de peur et d’insécurité de la population. 

Quelques conseils pour faire face au mieux 

Je vous propose à présent quelques conseils pour faire face au mieux à cette situation d’incertitude. Ces conseils ne sont pas exhaustifs et ne s’appliquent pas forcément à tout le monde ; si vous sentez que vous êtes fortement perturbé·e, que la situation dépasse votre capacité à faire face, ne restez pas seul·e : malgré le confinement, beaucoup de psychologues, dont je fais partie, poursuivent leur activité à distance par téléphone ou par Skype. Parler de votre ressenti avec un professionnel vous permettra de prendre du recul sur ce que vous vivez et de faire la part des choses entre les peurs directement liées à la situation et les éléments de votre passé qui pourraient remonter à la surface.

Même si cela n’est pas toujours évident, entendez et accueillez vos émotions : il est normal que le contexte actuel vous ébranle, et si vous essayez de faire taire vos ressentis, vos inquiétudes, elles se feront entendre davantage. Acceptez, même si c’est désagréable et déroutant, d’être inquiet·e et prenez le temps de sentir ce qui se passe dans votre corps. Rappelez-vous bien que les émotions sont transitoires et finissent toujours par passer.

Pour vous informer de l’actualité, privilégiez la presse écrite et évitez le plus possible de regarder des chaînes d’information en continu type BFM TV. Le mieux est de désactiver les alertes et de consulter le journal de votre choix à heures fixes (une ou deux fois par jour maximum). Privilégiez les sources fiables (quotidiens réputés par exemple) et faites attention aux rumeurs qui circulent sur internet : vérifiez toujours les sources d’une information et ne les propagez-pas.

Concernant le télétravail, il est préférable (dans la mesure du possible) de réserver un endroit de votre logement uniquement au travail et de garder un rythme et une organisation de travail proches du quotidien. Cela vous permettra symboliquement de matérialiser et différencier les temps de travail et de repos. Responsables, restez disponibles auprès de vos équipes et organisez des temps d’échanges collectifs par téléphone ou par Skype afin de conserver une dynamique de travail positive et de favoriser l’entraide et la communication. Pour aller plus loin, voici un article de Welcome to the Jungle qui fournit des conseils qui pourront vous être utiles.

Si vous êtes confiné·e avec d’autres personnes, et particulièrement si vous avez des enfants, prenez quelques instants par jour seulement pour vous. Privilégiez si possible des activités qui vous ressourcent et vous procurent du plaisir (lecture, film, dessin, tricot…). Même si cela ne peut se faire que pendant quelques minutes, prenez un temps pour respirer, vous étirer, éventuellement méditer. Des applications mobiles comme « Respirelax » et « Petit Bambou » peuvent vous y aider.

Prenez bien soin de vous !